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« Aux Nations Unies, la langue ne doit pas être une barrière »

Pour Lama Azab, interprète en français et arabe au siège des Nations Unies à New York depuis 2016, l’impartialité et la capacité d’adaptation sont des qualités essentielles pour exercer ce métier exigeant.
An inside look at one of the UN interpreters at work on the opening day of the United Nations General Assembly's general debate.

Propos recueillis par Laetitia Kaci

UNESCO

Quelles sont les qualités premières requises pour devenir interprète ?

Au-delà de certaines qualités évidentes comme la maîtrise des langues de travail, la gestion de la vitesse ou la culture générale, il est primordial pour un interprète de saisir les enjeux d’une situation. Il faut en effet toujours être conscient de ce qui est en train de se jouer dans la discussion.

Il est important aussi de se montrer impartial. Pour s’assurer que tous les participants sont traités à égalité, nous devons faire abstraction de nos opinions et de nos sentiments personnels, quelle que soit la discussion en cours. Réussir à rester neutre, contrôler ses émotions, garantir l’égalité tout en respectant la diversité des points de vue de tous les participants est un défi permanent.

À quelles difficultés êtes-vous confrontée au quotidien ?

Être interprète, c’est savoir s’adapter. C’est d’ailleurs une seconde nature dans ce métier. Il faut savoir passer d’un thème à l’autre, d’une langue à l’autre, ne pas se laisser dérouter par la vitesse d’élocution de chaque orateur…

C’est un métier qui enseigne la modestie, parce que nous ne serons jamais aussi savants que les experts. Mais pour être à la hauteur, nous devons nous former en permanence. C’est indispensable lorsqu’on traite de sujets aussi variés que le désarmement, les droits humains ou le budget. Dernièrement, comme la plupart des professionnels dans le monde, nous avons aussi dû apprendre à travailler à distance. Cela nous a demandé beaucoup d’adaptation sur le plan technique.

Y a-t-il une spécificité à exercer cette profession au sein des Nations Unies ?

Le souci permanent du multilinguisme est une spécificité onusienne. Nous avons à cœur de garantir que chaque participant comprenne ce qui se dit et qu’il ait la certitude d’être lui-même compris. C’est un point essentiel car c’est à cette condition que tous les participants peuvent être égaux face à une situation de communication. La langue ne doit pas être une barrière mais un outil de compréhension.

Par ailleurs, la terminologie tient une place importante aux Nations Unies. Elle permet de nous assurer que lorsque nous parlons d’une chose, nous en parlons dans les mêmes mots pour véhiculer les valeurs des Nations Unies auprès de tous. Le concept de développement durable était par exemple très peu utilisé dans la langue arabe il y a quelques dizaines d’années. Aujourd’hui, cette expression est entrée dans le langage courant. C’est grâce aux collègues des services linguistiques des Nations Unies (traducteurs, terminologues, réviseurs, éditeurs) que nous pouvons constituer notre bagage avant d’arriver en cabine. L’interprète n’est qu’un maillon d’une immense chaîne qui permet la tenue d’une conférence.

Le Courrier, un magazine multilingue depuis 1948

Parmi les tout premiers journaux internationaux à voir le jour, Le Courrier de l'UNESCO est multilingue depuis l’origine. Dès sa création, en 1948, il existe en anglais, français et espagnol. Cette volonté de traduire les articles en autant de langues que possible reflète la volonté de ses fondateurs : favoriser une large diffusion des idéaux humanistes de l’Organisation au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. C’est grâce à ses nombreuses éditions linguistiques que le Courrier a pu toucher au fil des ans un vaste lectorat international, y compris dans les pays où la presse était muselée par l’État.

La couverture linguistique du magazine a fluctué au fil des ans. En 1957, le magazine est publié en russe. Suivront les éditions allemande, arabe, japonaise et italienne. En 1967, des éditions en hindi et en tamoul sont lancées. De 1968 à 1973, Le Courrier paraît aussi en hébreu, en persan, en néerlandais, en portugais et en turc. Le record est atteint en 1988 avec 35 éditions linguistiques.

Traduction : d’un monde à l’autre
UNESCO
avril-juin 2022
UNESCO
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