Idée

Au Danemark, l’école au milieu des arbres

Améliorer la confiance en soi, l’esprit d’équipe et la curiosité des élèves sont quelques-uns des bénéfices reconnus des écoles en forêt, en plein essor dans les pays scandinaves.
School in Forest

Mie Olsen

Journaliste à Copenhague, Danemark

À Krudthus, à une trentaine de kilomètres au nord de Copenhague, les enfants de la maternelle de la forêt passent la plupart de leurs journées en plein air. Ils s’affairent à identifier les insectes dissimulés sous les pierres et les branches tombées au sol, à suivre le rythme des saisons à travers l’évolution des arbres ou encore apprendre le cycle de la vie en observant la décomposition des plantes et des animaux morts. Entre deux activités, ils gambadent avant d’aller pêcher ou de faire du vélo au milieu des massifs d’anémones.

Le secret de cette pédagogie réside dans une méthode ouverte, sans pression ni attentes. « Dans la nature, les règles strictes en matière de bonne conduite s’estompent. Les enfants peuvent nouer de nouvelles relations sociales en étant heureux, curieux et calmes. Nous les encourageons à être aventureux et à explorer leur environnement. En d’autres termes, il s’agit de se tourner vers le monde plutôt que vers soi », explique Hildur Johnson, enseignante à Krudthus, en Zélande du Nord, au Danemark.

Dans la nature, les règles strictes en matière de bonne conduite s’estompent

Ces activités de plein air permettent aussi un apprentissage de la citoyenneté. Les enfants sont en effet initiés au développement durable à travers des activités comme le ramassage des déchets plastiques.

Une « vieille » invention 

Krudthus est l’une des quelque mille maternelles de la forêt au Danemark. Le pays a été à l’avant-garde mondiale dans ce domaine. Les origines remontent aux années 1950, lorsque le mouvement du pédagogue autrichien Rudolf Steiner, connu pour ses méthodes d’enseignement alternatives fondées sur l’unité du corps et de l’âme, a ouvert la première école maternelle en plein air à Stuttgart, en Allemagne.

Faire passer les enfants de la salle de classe à la « nature sauvage » a suscité de nombreux débats à l’époque. Mais à partir des années 1970, la part croissante des femmes dans la population active s’est traduite par un besoin accru de garde d’enfant. Des maternelles privées ont vu le jour dans tout le pays. L'exiguïté de ces écoles s’est finalement révélée être un mal pour un bien.

Dans les années 1990, un petit groupe d’enseignants passionnés a repris à son compte l’idée de maternelle de la forêt. Selon cette pédagogie, les cours de mathématiques, de langues et de physique ne doivent pas être dispensés uniquement à l’aide de tableaux et de livres. Les élèves sont invités à mesurer la hauteur d’un arbre en utilisant des triangles congruents ou à observer la corrosion rapide des navires sous l’effet de l’eau de mer.

Jeux à risque

Selon Niels Ejby Ernst, docteur en éducation et spécialiste de l’histoire des maternelles de la forêt, le fait que cette tradition se soit développée plus rapidement au Danemark ne doit rien au hasard. « Le système scolaire danois offre aux enfants de nombreuses possibilités innovantes d’apprentissage et de jeu. Nous n’hésitons pas à prendre des libertés et à faire confiance aux enfants », explique-t-il.

Mais un tel enseignement suppose d’accepter une part, même minime, de risque. Dans la forêt, un enfant peut tomber d’un arbre ou se blesser en sautant d’un rocher à l’autre. Il peut prendre froid ou avoir peur. « Les enfants tirent profit des “jeux à risque”, affirme Niels Ejby Ernst. Lorsqu’ils se sentent personnellement à la limite du danger, ils en sortent renforcés. Les enfants qui jouent dans les forêts et les espaces verts sont en meilleure santé physique et mentale que leurs camarades du même âge privés de ces activités. »

Les classes de la forêt préparent mieux les enfants à l’imprévisibilité de la vie quotidienne

Entre 2013 et 2017, l’université de Copenhague a mené une vaste étude interdisciplinaire, Teachout, sur les écoles traditionnelles et de plein air. Il en ressort que les classes de la forêt préparent mieux les enfants à l’imprévisibilité de la vie quotidienne, en améliorant leur capacité d’adaptation. Leur motivation pour apprendre et leurs capacités de lecture s’en trouvent aussi améliorées. L’environnement naturel a aussi un effet positif sur les enfants présentant des troubles du comportement.

Aiguiser la curiosité

« Ces écoles utilisent une méthode d’enseignement fondée sur le corps, les sens et la réalité, plutôt qu’une méthode abstraite et théorique. Il s’agit d’aller à la rencontre du monde et d’apprendre à connaître les personnes, les objets et les lieux que nous voulons découvrir », explique Karen Seierøe Barfod, directrice de recherche à l’université de Copenhague et l’une des pionnières du développement de la pédagogie hors les murs.

Le site pédagogique ne doit pas nécessairement être une forêt ; il peut s’agir d’une prairie, du littoral, d’un marais ou de terres agricoles. Mais dans tous les cas, les parents doivent accepter que leurs enfants se salissent, attrapent des animaux et coupent du bois. Selon Karen Seierøe Barfod, il est important de reconnaître qu’il existe plusieurs façons d’apprendre sur un sujet.

Elle explique comment les écoles de la forêt favorisent la réflexion critique, l’analyse systémique et l’esprit d’équipe. Il est plus aisé de faire jouer ces capacités en emmenant les enfants « enquêter » sur un cas concret, dans le monde réel, avec toute sa complexité et ses nuances.

Conscients des bénéfices de cette pédagogie, de plus en plus de parents inscrivent leurs enfants dans des écoles de la forêt. Ces dernières influencent aussi les établissements classiques, plus enclins à multiplier les activités de plein air. Les pays voisins, la Norvège et la Suède notamment, montrent un intérêt croissant pour cette pédagogie. Et depuis quelques années, des éducateurs du monde entier font le déplacement pour se familiariser avec les méthodes de cet enseignement hors les murs.

L'appel de la forêt
Le Courrier de l'UNESCO
juillet-septembre 2023
UNESCO
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