Idée

Génération Greta

Changer le monde, pour la nouvelle génération, c’est avant tout sauver la planète. Elle le dit sur les réseaux sociaux, dans la rue ou par des mouvements de désobéissance civique comme la grève scolaire. L’ampleur de la mobilisation des moins de 25 ans est à la mesure de l’urgence des enjeux.

Anna Turns

Journaliste environnementale basée dans le Devon, Royaume-Uni.

Depuis le jour où elle s’est accroupie devant le Parlement suédois et a entamé une grève scolaire pour sensibiliser à la crise climatique, Greta Thunberg a galvanisé des millions d’adolescents à travers le monde. Aujourd’hui, le mouvement des jeunes pour le climat représente pour beaucoup une voix qui porte, une voix unie, qui a trouvé un immense écho dans la génération Z, née après 1995.

Scolarisée à Fort William, Holly Gillibrand, 15 ans, sèche les cours tous les vendredis depuis janvier 2019. « Nous appelons à la rébellion, et cette forme de désobéissance civile va tout changer. Il faut que nous soyons encore plus nombreux, jeunes et vieux, à exiger le changement et à nous rebeller contre le système qui a provoqué cette crise », martèle la jeune fille, engagée dans le mouvement pour le climat Fridays for Future en Écosse (Royaume-Uni). « Nous travaillons tous pour le même objectif, qui est de créer un autre avenir, et ça me donne de l’espoir, même si je suis lasse de tous ces adultes qui m’encouragent et ne font absolument rien de leur côté. »

Pas question d’attendre que les jeunes d’aujourd’hui deviennent les dirigeants de demain pour agir, selon Holly. « Il est important que les jeunes comprennent qu’ils peuvent amener du changement dès maintenant : nous pouvons influencer le vote de nos parents, ou nous connecter à d’autres qui ont les mêmes préoccupations. »

Expérience collective

Pour Holly, comme pour beaucoup d’autres jeunes, la lutte contre le changement climatique est une expérience collective. Participer aux grèves mondiales donne le sentiment de pouvoir agir, de contribuer à quelque chose de plus grand que soi. Pour Charly Cox, coach à Oxford, (Royaume-Uni), qui s’emploie à favoriser le transfert d’emplois traditionnels vers des carrières plus « vertes », ces mouvements créent du lien et de plus grandes possibilités de changement. « L’isolement est l’ennemi du militantisme, et c’est pourquoi les jeunes tendent à se regrouper en masse dans les écoles ou les universités, pour mettre leurs fragilités en commun et travailler ensemble », déclare-t-elle, convaincue que l’aspiration au changement va bien au-delà de la jeune génération. « Tous, poursuit-elle, nous avons des attentes très précises pour l’avenir, et l’épidémie nous a donné des capacités d’imagination que nous n’avions pas auparavant. Je pense que les voix des activistes sont maintenant en phase avec un changement plus général. »

Ce changement de paradigme passe d’abord par l’école. Au Royaume-Uni, la campagne Teach the Future lancée par des élèves appelle à une refonte immédiate du système éducatif pour mieux refléter la crise écologique et l’urgence climatique, allant d’une formation des enseignants plus adaptée et de meilleure qualité à des bâtiments scolaires plus économes en énergie, des programmes englobant les questions climatiques et des filières professionnelles formant aux compétences vertes.

Semer la confiance

En rédigeant Climate Crisis for Beginners (La Crise climatique pour les nuls), Eddie Reynolds, l’un de ses coauteurs, s’est efforcé de donner des outils aux enfants (et aux adultes qui les encadrent) sans jamais leur dicter ce qu’ils devaient faire. « On sous-estime la capacité des enfants à comprendre les concepts et à les gérer au niveau émotionnel. Nous avons donc simplement cherché à rendre plus tangible chacune des dimensions climatiques, de l’économie à la politique, en expliquant qu’elles sont le fruit des nombreux choix individuels de différentes personnes. Toute action, même la plus minime, a son importance », souligne Eddie Reynolds, qui espère que ce type d’ouvrage suscitera de nouveaux débats.

De son côté, Sarah Goody, une lycéenne de 16 ans qui vit à San Francisco, aux États-Unis, raconte qu’elle a « trouvé sa vocation » après un cours sur l’urgence climatique à l’école. Elle a rejoint la grève, s’est documentée plus en détail, puis a fondé Climate NOW, une association qui vise à éduquer et autonomiser les jeunes. Elle-même est déjà intervenue dans les classes de plus de 70 établissements. « Nous apportons aux élèves des outils et des ressources, mais il s’agit aussi de semer la confiance pour qu’ils sentent que leur voix compte, parce que ma génération est celle qui va souffrir le plus des effets du changement climatique », explique-t-elle.

Sarah est désormais convaincue qu’elle et ses amis réussiront à faire bouger les lignes. « La génération Z est la génération de la compassion, celle qui cherche à changer le monde, dit-elle. L’avenir sera passionnant : nous pouvons restructurer la société selon nos idéaux et parvenir à une meilleure planète. Ce mouvement peut susciter tellement d’innovations ! »

Au niveau international, Climate Cardinals, une plateforme à but non lucratif dirigée par des jeunes, permet d’accéder plus facilement aux informations environnementales grâce aux traductions. « Chaque jour compte, mais tout élève bilingue motivé peut déjà commencer par rendre accessibles des informations essentielles concernant la crise climatique », explique Cristina C. Leon, 17 ans et bénévole de la plateforme. Scolarisée à Lima, au Pérou, parlant espagnol, anglais et allemand, Cristina a compris que la langue était un obstacle à la diffusion mondiale des connaissances scientifiques.

Depuis le lancement de la plateforme au printemps 2020, plus de 8 000 jeunes bénévoles comme elle ont traduit ces informations dans une centaine de langues, de l’hébreu à l’ourdou. « Nos traductions donnent directement aux communautés les plus vulnérables des moyens de fixer leurs propres priorités pour l’action climatique. Notre but est que personne ne soit laissé pour compte, quels que soient sa langue et son niveau d’instruction », ajoute-t-elle.

Être audacieux et créatif

Mais il ne s’agit pas seulement de science. Ce combat porte aussi en lui la volonté de voir advenir un monde plus solidaire où la culture ait un rôle important à jouer. Serayna Solanki, défenseuse de la justice climatique de 25 ans vivant au Royaume-Uni, dirige « Le jardin des grands-mères », un programme intergénérationnel créatif destiné aux minorités ethniques et axé sur le changement climatique, la nature et la perte environnementale. « L’art est une formidable source d’histoires et prend d’innombrables formes dans les communautés du monde, des chansons et des tapisseries traditionnelles à l’écriture et au design créatifs. C’est un vecteur d’émotions, et un guide vers la sagesse et la complexité », explique la jeune femme.

« La force de l’activisme des jeunes vient de ce qu’il n’y a ni langue de bois ni ambiguïté. Nous disons les choses telles qu’elles sont parce que nous comprenons les enjeux : le changement climatique est un produit du capitalisme colonial », scande-t-elle. De son point de vue, la mobilisation de la génération Z ne fait que commencer. « Si elle a ouvert les yeux sur le changement climatique, je pense que la prochaine impulsion sera une sensibilisation aux solutions fausses ou non durables. Avec la confiance nécessaire pour être audacieux et créatif, il y a encore beaucoup d’énergie en réserve. »

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avril-juin 2021
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